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« Un coup de boost » : en lycée pro, ces élèves « raccrochent » grâce aux stages ou au mentorat

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Environ 60 % des lycéens qui décrochent du système scolaire sont issus des établissements professionnels. Des associations, comme C’Possible, tentent de lutter contre le phénomène.

Kandé s’est levé tôt, à 5 heures du matin, pour rejoindre la capitale. Depuis début novembre, il effectue un stage dans une boulangerie de l’enseigne Le Grenier à Pain, place d’Italie (Paris XIIIe). Carrure de rugbyman sous un visage encore juvénile, l’adolescent de Clamart, 17 ans, s’active dans la cuisine étroite du commerce. Pendant un mois, il y apprendra les gestes d’un boulanger, loin des salles de classe du lycée des métiers Les Côtes de Villebon, à Meudon (Hauts-de-Seine).

Paris (XIIIe), le 15 novembre 2024. Kandé, élève de 1re professionnelle, effectue un stage d’un mois dans la boulangerie Grenier à pain de la place d’Italie. LP/Jean-Baptiste Quentin

« Ici, je suis entouré de professionnels qui m’aident, l’ambiance est chill (détendue). Ça me donne un coup de boost ! », sourit avec douceur l’élève de 1re professionnelle.

L’an dernier, Kandé a pourtant failli grossir les rangs des élèves décrocheurs. Une réorientation et le stage en milieu professionnel lui ont permis de reprendre confiance.

« Environ 100 000 jeunes quittent chaque année le système scolaire sans diplôme. Parmi les lycéens concernés, 60 % viennent des établissements professionnels, qui concentrent les problématiques d’orientation subie et les difficultés économiques et sociales », explique Philippe

Varin, président de l’association C’Possible, qui vise à rapprocher les lycées professionnels du monde de l’entreprise. Fondée il y a seize ans, l’association compte 450 bénévoles, a déjà accompagné plus de 80 000 jeunes à travers ses ateliers, le mentorat ou la mise en relation avec des entreprises locales, et collabore avec 120 lycées de sept régions. Elle lance aujourd’hui un appel à renforts.

« La situation n’est pas acceptable, elle dure depuis longtemps alors qu’on retrouve des secteurs en tension dans de nombreux métiers enseignés en lycées pros », alerte l’ancien patron de PSA Peugeot Citroën.

« Plus efficace que des questionnaires sur ordinateur »

« Zéro décrochage, 100 % d’insertion », c’est avec ce double objectif qu’Emmanuel Macron avait présenté au printemps 2023 sa réforme du lycée professionnel. Le gouvernement s’était alors engagé à réviser la carte des formations selon les débouchés professionnels dans les bassins d’emploi. Un quart de l’offre devrait évoluer d’ici à 2026. Sur le terrain, le SN2D-Unsa, syndicat des directeurs délégués aux formations professionnelles et technologiques, déplore toutefois des « choix trop descendants, pas toujours compréhensibles et guidés par des contraintes budgétaires ».

Cassidy, longs cheveux bruns et grandes lunettes, fait partie des « raccrocheurs ». Elle passera son bac pro en mai 2025, dans le même lycée que Kandé. L’adolescente de 17 ans use d’un bel euphémisme :

« L’an dernier, j’ai eu un moment de doute, j’ai opté pour un comportement laxiste. » Comprenez : Cassidy manquait des cours, ses notes chutaient.

Alertés, les professeurs ont fait appel à l’association C’Possible, qui lui a attribué comme mentore une chercheuse retraitée. La bénévole et la lycéenne se rencontrent une heure par semaine, au lycée.

« L’écouter me parler de son parcours, de son métier, ça m’a aidée à visualiser ce que je voulais faire. C’était bien plus efficace que des questionnaires sur ordinateur ou qu’un rendez-vous avec un conseiller d’orientation », témoigne l’élève de terminale, survêt noir sur chemise blanche et cravate.

Aujourd’hui, Cassidy rêve d’ouvrir une grande enseigne de pâtisserie — à son nom, précise-t-elle. Plusieurs associations accompagnent aujourd’hui les élèves dans leur insertion professionnelle et sociale. Un « relais associatif » que salue le syndicat de l’enseignement professionnel public, Snuep- FSU, tout en pointant des limites.

« Les associations ne peuvent pas suivre tous les élèves, c’est forcément inégalitaire. La lutte contre le décrochage scolaire devrait être une fonction pleine et entière de l’Éducation nationale », estime Axel Benoist, cosecrétaire général du syndicat.

Miser sur la complémentarité des programmes

Depuis 2013, des personnels dédiés à la Mission de lutte contre le décrochage scolaire ont à charge, au niveau académique, d’accompagner les jeunes à partir de 16 ans en situation de décrochage, ou sur le point de l’être. « Mais on en manque ! », soupire Axel Benoist. De nouveaux dispositifs ont été lancés à la rentrée 2023, comme l’installation des « bureaux des entreprises » dans les lycées, ou la rémunération des stages, entre 50 et 100 euros par semaine selon le niveau d’étude de l’élève. Le programme Tous droits ouverts, qui aide les élèves en difficulté à rejoindre une structure de proximité (mission locale, centre de formation des apprentis…), lui, met à contribution les enseignants volontaires dans le cadre du Pacte enseignant, ce que déplore le Snuep-FSU, les professeurs n’étant « pas formés initialement pour cette mission ».

« Ce n’est pas l’un ou l’autre, ces programmes sont complémentaires, tempère Sandrine Caubet, professeure de sciences appliquées et référente sur ces sujets au lycée des Côtes de Villebon. En tant qu’enseignants, notre expertise des élèves et la connaissance de leur parcours nous permettent aussi de les accompagner en cas de difficultés. »

L’établissement de Meudon est doté d’un groupe de prévention contre le décrochage scolaire, qui réunit enseignants volontaires, direction, CPE, personnels de santé, et aide des dizaines de jeunes chaque année à se remotiver, avec l’appui du réseau des associations. Mais tous les lycées n’en sont pas pourvus.